Galerie d'art contemporain Le 33 mai

Les

artistes

Coline Louber


Artiste plasticienne sculptrice

Coline Louber


Artiste plasticienne sculptrice

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photo coline
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BIOGRAPHIE

Coline Louber est totalement autodidacte. Des études de journalisme et de
géographie, une activité d’enseignante tous terrains, rien, dans son parcours
professionnel, ne la prépare à une activité artistique.
Cherchons plutôt du côté de l’enfance. Elle vit alors à la campagne, part en
vacances à la montagne, fait des cabanes, cueille et ramasse, tout et tout le
temps. Puis elle arrive à Paris où elle « fait les poubelles », glanant sur les trottoirs
des villes, dans les friches. Elle récupère, elle réutilise. Elle a du mal avec le
gaspillage, elle ne jette pas, elle transforme tout, tous ces trucs, ces petits riens
que les hommes ont oubliés, ces rebuts que la nature a façonnés.
Au coeur de la vie qui va, elle s’approprie les choses et l’environnement. Elle
rapporte de ses promenades en bord de mer des bois flottés, de ses promenades
en montagne et dans les forêts des bois sculptés.
La mer, étonnamment, organise les bois flottés par taille, elle les trie. Polis par les
ans, usés par le temps, roulés par la mer, adoucis par l’usure, délavés de leur
usage, érodés par les marées, arrondis par le brassage incessant des vagues, ils
se différencient aisément des bois sculptés par le vent, lambeaux vrillés, blanchis
par le gel et le soleil. Rondeur des premiers, ciselures des seconds.


Coline Louber ramasse aussi des métaux rouillés, des pièces métalliques avec parci
par-là une trace de peinture, des cailloux, des graines, des herbes... Elle voit en
eux les bijoux qu’ils sont devenus, la nouvelle vie qui les habite déjà. Sous ses
doigts, ils vont devenir personnages. Hommes et femmes à l’élégance hiératique
ou petits bonshommes débordant de joie, pleins de vie, de rires. Foules animées,
si vivantes, qui habitent des villes que notre coeur a connues. Villes imaginaires,
mondes rêvés, des villes comme des bateaux. Et nous embarquons, sourire aux
lèvres, vers ces ailleurs imaginaires pleins de sérénité.


LES PETITS BATEAUX DE COLINE LOUBER
Les migrateurs partent et reviennent.
Les migrants partent pour toujours. Ils ne reviennent pas. Très peu d’entre eux
arrivent quelque part.
Ils sont déchets, rebuts brassés par l’océan.
Noyés, oubliés, les voilà disparus à jamais du monde de nos vies.
Passés par nos coeurs quelques secondes, le temps de s’apitoyer,
sincèrement, sur les dures conditions de leurs existences. Et puis emportés
brutalement par l’actualité suivante.
Comme s’ils n’avaient jamais existé.
Déchets, rebuts brassés par l’océan, polis par le temps, bois morts, flottés,
décolorés et restes rouillés : c’est avec cette matière que Coline Louber hurle.
Hurlement tout en douceur et en tendresse pour ces hommes, ces femmes,
ces enfants que nous pourrions être si nous étions nés là-bas.
Qu’ont été nos parents. Ou leurs parents avant eux. Tous nos ancêtres, à un
moment ou à un autre de l’histoire, ont été des migrants.
À Calais, elle a ramassé de petites traces de leur passage.
Bien avant que leurs corps ne s’échouent sur les plages de notre Europe, elle
glanait déjà ces bouts de bois que la mer redonne après les avoir longtemps
bercés.
Dans le regard de Coline Louber, il y a toujours eu des bouts d’humain dans
ces petits bouts de bois. Au fur et à mesure de son travail, elle en a peuplé des
villes imaginaires qui, un jour, ont pris le large et sont devenues bateaux.
De grands bateaux.
Un bateau grand comme un monde, le monde de ces morceaux d’humanité,
ce monde qu’ils auraient voulu emporter loin de la faim, loin de la guerre, loin de
la menace, quelle qu’elle soit.
Et aujourd’hui de petits bateaux.
Un bateau petit comme un jouet. Un de ces petits objets auxquels on s’attache,
qu’on caresse sans y prendre garde, doudou, porte-clefs.
Comment ne pas voir dans ces bateaux des morceaux de nous-mêmes, fous
d’espoir, déracinés par la misère, ayant tout quitté pour un paradis de mirage.
Ils ne sont pas tristes, les bateaux de Coline Louber. Au coeur des bois morts
et de la rouille, comme un petit miracle, un espoir quand même, une vie sauvée
de temps en temps, ici ou là, éclate une tache de couleur, une graine comme
un bijou, porteuse d’avenir.
Chargés de vie comme on a charge d’âmes, les bateaux de Coline Louber
nous appellent à réagir, à ne plus laisser faire sous nos yeux les crimes des
passeurs, à briser notre indifférence elle aussi criminelle, à ne plus nous
contenter de dire avec tristesse qu’on n’y peut rien.


Texte de Chantal Péninon